École des transitions écologiques (épisode 1/2)

Premier anniversaire de l’école : bilan côté Cnam

4 novembre 2024

© Vignette : Anastasiia Ornarin (Unsplash).
L’École des transitions écologiques du Cnam a été lancée à l’occasion de la rentrée universitaire 2023-2024, il y a donc tout juste un an, en même temps que celle de l’énergie. L’occasion de dresser le bilan de ces douze premiers mois avec sa préfiguratrice, Lucie Marinier, professeure du Cnam : visibilité de l’offre de formation dédiée à la thématique, métiers d’avenir et prise en compte des problématiques environnementales dans le monde de l’entreprise.

Un anniversaire, ça se fête, et c’était exactement l’objectif de la journée du 14 octobre 2024, où l’École des transitions écologiques a organisé sa « rentrée des transitions » pour aborder sa deuxième année d’existence. Un évènement destiné à sensibiliser les publics du Cnam aux formations que l’école propose et à souligner son engagement dans la transition socio-écologique. Des ateliers, des échanges, une table ronde sur le rôle et l’engagement des enseignants-chercheurs, mais aussi un déjeuner végétarien étaient au programme de cette journée.

C’est quoi au juste, l’École des transitions écologiques ?

L’École des transitions écologiques se veut d’abord une plateforme d’expertise de haut niveau sur les enjeux de la transition écologique et du développement durable. Dans cette perspective, elle propose une offre de formation multidisciplinaire à travers 35 parcours et plus de 50 unités d’enseignement qui peuvent être choisies indépendamment les unes des autres, dans un parcours construit sur mesure, en formation initiale ou continue, selon les compétences et les disponibilités de chacun.

Ainsi, l’objectif de l’école est de répondre aux besoins des métiers porteurs d’emplois (santé, mobilité décarbonée, rénovation des bâtiments, logistique, matériaux, prospective et culture), de préparer aux métiers d’avenir (chargé de responsabilité sociale et environnementale, designer en économie circulaire) et aux métiers verts (assainissement, traitement des déchets, distribution de l’eau et de l’énergie, industrie verte), enfin de permettre aux professionnels de mieux prendre en compte les problématiques écologiques du monde contemporain.

Lucie Marinier, professeure du Cnam et préfiguratrice l'Ecole des transitions écologiquesLUCIE MARINIER, PROFESSEURE DU CNAM, TITULAIRE DE LA CHAIRE INGÉNIERIE DE LA CULTURE ET DE LA CRÉATION, ET PRÉFIGURATRICE DE L’ÉCOLE DES TRANSITIONS ÉCOLOGIQUES

Pourquoi avoir lancé, l’année dernière, l’École des transitions écologiques ?

Les crises et urgences écologiques, en premier lieu, mais plus largement le dépassement en cours des neuf limites planétaires (dérèglement climatique, érosion de la biodiversité, perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, changement d’usage des sols, acidification des océans, perturbation des cycles de l’eau douce, appauvrissement de l’ozone stratosphérique, augmentation des aérosols dans l’atmosphère, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère), qui impactent désormais l’ensemble des milieux, des sociétés et des modèles économiques.

Certains changements sont désormais irréversibles, comme en atteste le dernier rapport du GIEC. Tous les secteurs professionnels, d’expertise et de recherche sont ou seront concernés par les enjeux d’atténuation et d’adaptation qui en découlent. Toutes ces crises et la connaissance de leurs causes, de leurs impacts, mais aussi celle des solutions techniques, juridiques, sociétales pouvant permettre d’y faire face sont par ailleurs évolutives. Ce qui implique de formidables besoins, tant en formation initiale et professionnelle qu’en recherche, pour les années à venir.

Au-delà des nouvelles obligations légales, ce sont aussi les milieux économiques et citoyens qui s’emparent de ces questions, avec de fortes implications dans le monde professionnel. L’aspiration d’une grande partie des personnes en formation et des professionnels à intégrer ces dimensions dans leurs pratiques est un point majeur des bouleversements actuels du rapport à l’emploi et au travail. Il s’agit de former également à « donner du sens socio-écologique » à l’emploi.

En matière de recherche, les crises écologiques posent également des questions spécifiques. Il s’agit de mener des projets alliant sciences humaines et sociales, sciences du vivant, sciences de l’ingénieur pour participer à la connaissance sur les phénomènes en cause et leurs conséquences sur la santé, l’habitabilité des territoires, les inégalités, les politiques publiques, etc. Il s’agit aussi de faire en sorte que la recherche et ses méthodologies participent à la prise de conscience et aux dynamiques du changement : recherche citoyenne, participation des chercheurs aux projets de diffusion de la culture scientifique, etc.

Le premier rôle du Cnam est d’accompagner la formation en lien avec les bouleversements de la société dans les domaines techniques, industriels, économiques, managériaux et sociologiques, en particulier quand ils font évoluer les métiers et les besoins en compétences. Notre établissement se devait donc d’être particulièrement ambitieux et innovant concernant les transitions socio-écologiques, d’autant plus que le rapport de Jean Jouzel et Luc Abbadie « Enseigner la transition écologique », paru en 2022, nous enjoignait de proposer une formation à la totalité de nos apprenants d’ici 2025.

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Et concrètement ?

L’École des transitions écologiques, comme les autres écoles, n’est pas un dispositif « en dur », c’est un axe transversal et stratégique du Cnam en partant de ses trois missions : formation, recherche et diffusion de la culture scientifique et technique. Dans cette perspective, elle propose une offre de formations multidisciplinaires labellisées. Certaines peuvent être choisies indépendamment les uns des autres, d’autres sont obligatoires au sein des parcours existants, en formation initiale ou continue, d’autres enfin constituent des diplômes ou des formations spécialisées sur les transitions. Outre le développement des formations aux métiers des transitions, il est question ici de construire progressivement des unités d’enseignement spécifiques sur les transitions adaptées aux métiers enseignés de manière systématique dans tous nos parcours.

Mais il faut également s’assurer que tous nos apprenants puissent disposer des connaissances fondamentales sur les causes, les conséquences et les voies d’action concernant les crises écologiques. C’est pour cela que nous avons créé un module gratuit, ouvert en ligne aux 55. 000 apprenants du Cnam : TED001 – Enjeux des transitions écologiques : comprendre et agir. Une formation d’une trentaine d’heures, dispensée par des spécialistes reconnus de la biodiversité, du climat, de l’énergie, de la prospective et de la santé. Cette offre associe sciences humaines et sociales, sciences du vivant et de l’ingénieur. Elle est également innovante dans la manière de s’adresser aux auditeurs puisqu’elle part du principe que l’appréhension individuelle des enjeux écologiques, qu’il s’agisse de l’acquisition de connaissances, de la prise de conscience des interactions entre les crises écologiques, du changement des comportements ou de la participation aux débats et stratégies, concerne tout à la fois les trois personnes qui constituent chaque individu : acteur privé, agent économique et social, citoyen. La formation en la matière doit donc constituer une « éducation à l’urgence climatique », une véritable « littératie écologique* » .

Est-ce que ces premiers objectifs sont atteints ?

Oui, tout à fait puisque plus de 1.500 apprenants se sont inscrits à TED001 et que plusieurs modules de formation nouveaux ont été créés sur les transitions socio-écologiques : en comptabilité et en transport, notamment. Il faut aussi noter que ce recensement nous a permis de prendre conscience de l’importance de l’offre que nous avions déjà, d’en montrer la cohérence et de la mettre en valeur et de constater la motivation des enseignants-chercheurs sur ces sujets. La légitimation de la démarche a été particulièrement prise en compte par la création d’un conseil scientifique réunissant une trentaine d’enseignants-chercheurs du Cnam et des experts extérieurs de renom (Christophe Cassou et Philippe Grandcolas, par exemple). La mobilisation du collectif des enseignants-chercheurs a été initiée avec la création d’un conseil pédagogique.

Comment aller plus loin ?

Nous avons plusieurs pistes. D’abord en matière de diffusion de la culture scientifique et technique avec, outre la rentrée des transitions, des cycles de conférences (dont celles du cycle des transitions). Mais nous pourrions aussi envisager des résidences d’artistes/chercheurs et pourquoi pas une assemblée citoyenne des apprenants et personnels sur ces sujets.

En matière de formation, nous aimerions déployer des modalités nouvelles comme des unités d’enseignement par le projet qui permettrait d’associer apprenants, enseignants mais aussi acteurs de la société civile ou de l’entreprise et une plateforme de ressources pour les enseignants qui souhaitent développer leurs formations sur les sujets et de manière écoresponsable.

Et puis, il y a à réfléchir sur le fait de mieux répondre à l’objectif de préparer aux métiers d’avenir dans ce domaine : designer circulaire, responsable RSO, éco-conseiller, etc. dont certains sont encore à définir avant même de construire des blocs de compétences et les formations pour les acquérir. Et aussi bien sûr de répondre toujours mieux aux besoins des métiers porteurs d’emplois où les compétences manquent sur ces sujets (comptabilité, transports, matériaux, culture, tourisme, RH).

Et n’oublions pas la recherche avec le projet de soutenir davantage de thèses dans ces domaines, de calculer l’impact écologique des laboratoires, de former les doctorants à la recherche responsable.

Enfin, nous envisageons de proposer la création d’une chaire de sciences de l’environnement et transition socio-écologique. Nous ne pourrons sans doute pas tout engager tout de suite, mais l’École des transitions écologiques a beaucoup de développements possibles.

*Gibert, A.-F. (2020). Éduquer à l’urgence climatique. Dossier de veille de l’IFÉ, n °133, mars. Lyon : ENS de Lyon : LIRE LE DOSSIER