Samia Saad-Bouzefrane : femme cyber-chercheuse européenne

Le Cercle des femmes de la cybersécurité (CEFCYS) est une association à but non lucratif qui s’engage à promouvoir la représentation et l’influence des femmes dans le domaine de la cybersécurité, en soutenant leur développement professionnel et leur reconnaissance. Elle a décerné ce prix à Samia Saad-Bouzefrane au regard de son parcours universitaire remarquable, marqué par une détermination et une persévérance sans faille.

Samia Saad-Bouzefrane est originaire de Kabylie. Titulaire d’un diplôme d’ingénieur et d’un magister en informatique obtenus à Alger, elle a d'abord enseigné à l'université Mouloud- Mammeri de Tizi-Ouzou pendant un peu plus d'un an. Contrainte de quitter l’Algérie en novembre 94 en raison du contexte islamiste de la décennie noire, elle s'est reconstruite professionnellement en France. À l'université de Poitiers, elle a préparé et soutenu sa thèse de doctorat en janvier 98, ouvrant ainsi la voie à une carrière universitaire prometteuse.

Son parcours en France démarre cette même année avec un poste de maîtresse de conférences à l'université du Havre, avant de rejoindre le Cnam dès 2002. Sa progression est alors constante, couronnée par sa nomination comme professeure des universités en 2019. Depuis septembre 2018, elle est responsable nationale du diplôme d’ingénieur informatique Réseaux-systèmes-multimédia du Cnam. Depuis novembre 2023, elle est membre du conseil national des universités pour la Section 27 (informatique). Et, depuis désormais un an, elle dirige le Centre d’études et de recherche en informatique et communications (Cédric), une structure dynamique de plus de 170 membres.

Parcours cybersécurité

À partir de 2005, Samia Saad-Bouzefrane a opéré une transition en passant du domaine des systèmes d'exploitation à celui des cartes à puce et de la cybersécurité. Cette évolution a été rendue possible grâce à sa collaboration avec Pierre Paradinas, professeur émérite titulaire de la chaire Systèmes embarqués au Cnam. Son activité de recherche dans la cybersécurité se traduit par la direction de thèses, la publication de travaux dont deux livres de référence sur les cartes à puce et les identités numériques, la participation à des projets de recherche nationaux et européen sur la cybersécurité, mais aussi l'organisation de conférences internationales dans le domaine des réseaux et de la sécurité informatique. Elle est aussi coauteure de plusieurs articles traitant de la cybersécurité, publiés dans des revues de recherche internationales.

Militantisme et engagement

Samia Saad-Bouzefrane se distingue par un engagement multidimensionnel qui transcende le simple cadre scientifique de l'informatique. Son action militante pour la préservation des langues autochtones, notamment la langue kabyle en Algérie, illustre son approche innovante. En effet, elle a accompli un travail pionnier en publiant un lexique d’informatique français-anglais-kabyle/berbère, qui est désormais une référence pour la communauté berbère, facilitant notamment la traduction d'interfaces web. Plus encore, elle a initié une démarche pédagogique unique en proposant des cours de vulgarisation de l’informatique en langue kabyle. Une initiative sans précédent qui marque l'histoire de la transmission des connaissances technologiques dans cette communauté linguistique.

3 QUESTIONS À SAMIA SAAD-BOUZEFRANE, PROFESSEURE DES UNIVERSITÉS AU CNAM

Comment avez-vous accueilli cette remise de prix du Cercle des femmes de la cybersécurité ? Et qu’est-ce que cela change pour vous ?

Jusqu'au 24 octobre 2024, je n'avais jamais entendu parler du Cercle des femmes de la cybersécurité. Ma découverte de cette association est survenue de manière inattendue, par un mail m'informant que j'avais été recommandée pour le prix European CyberWomen Day. Cette nomination m'a surprise, et j'ai d'abord ressenti le besoin de vérifier la crédibilité du mail et de l'association avant de répondre favorablement à cette candidature. En acceptant la proposition, j'ai été animée par un désir de comprendre si mes travaux de recherche avaient véritablement un impact dans la communauté de la cybersécurité. J’ai ensuite été informée avoir été choisie parmi les finalistes. Ce sont mes collègues qui m'ont encouragée à communiquer sur cette distinction, conscients qu'il peut être difficile pour un chercheur de se mettre en avant publiquement. Cette visibilité soudaine sur les réseaux sociaux a rapidement engendré de nombreuses opportunités professionnelles : des invitations à intervenir lors d'événements ainsi que des sollicitations pour l'encadrement de travaux de recherche doctorale, entre autres.

Expliquez-nous ce qu’est d’être experte en cybersécurité ?

Dans le paysage dynamique de la cybersécurité, l'innovation est perpétuelle. L'expertise dans ce domaine exige une démarche proactive : il ne s'agit pas seulement de réagir aux menaces existantes, mais de prédire et de prévenir les risques émergents. Une experte se doit d'être pionnière, développant constamment de nouvelles stratégies défensives et participant activement à l'évolution des connaissances. Cette approche anticipative est cruciale pour maintenir une longueur d'avance sur les cybermenaces potentielles.

Comment transmettez-vous cette expertise à vos élèves ?

La transmission des connaissances se fait à différents niveaux du parcours académique : l'enseignement en classe, l'accompagnement d'étudiants en master lors de leurs stages, ainsi que la direction de doctorants dans leurs travaux de recherche. L’expertise peut être transmise aussi à travers la publication d’ouvrages ou d’articles de recherche.