Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail

Prévenir les accidents du travail, les maladies professionnelles et construire la santé au travail

28 avril 2025

Le 28 avril de chaque année est l’occasion d’attirer l’attention de l’opinion internationale sur les questions de sécurité et de santé au travail, en particulier parmi les syndicats, les organisations patronales et les gouvernements. Une journée annuelle pour encourager et promouvoir une culture préventive de sécurité et de santé en matière d’accidents, mortels ou non, et de maladies imputables aux conditions de travail. Un pôle de l’École de la santé du Cnam est entièrement dédiée à ces enjeux.

La Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, célébrée chaque 28 avril, marque aussi la commémoration des travailleurs morts ou blessés au travail à l’échelle mondiale depuis 1996. À partir de 2003, l’Organisation internationale du travail (OIT) a rejoint la mobilisation en reconnaissant cette date comme une journée de célébration : honorer les employés blessés et décédés tout en braquant les projecteurs sur les possibilités de prévention et de réduction de ces cas de blessures ou de décès. Chaque année, ce sont plus de 2 millions et demi de personnes qui meurent des suites d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dans le monde. On dénombre par ailleurs tous les ans 374 millions d'accidents du travail non mortels.

De nos jours, la vigilance face aux risques professionnels émergents est de mise. Les innovations technologiques ou de procédés de fabrication et les changements organisationnels ou sociaux génèrent de nouveaux risques : exposition aux nanoparticules ou agents biotechnologiques, intensification et perte d’autonomie dans le travail, dilution des collectifs (plateformisation des services, télétravail, auto-entrepreneuriat, économie informelle, etc.). Sans oublier le changement climatique, cause de risques accrus pour les travailleurs : stress thermique, rayonnements ultraviolets, pollution de l’air, événements météorologiques, aux conséquences diverses pour la sécurité (accidents industriels, de transport, pollution environnementale, incendies, etc.) et la santé (cancer, maladies cardiovasculaires et respiratoires, troubles de santé mentale, stress post-traumatique, etc.).

Ces phénomènes peuvent aujourd’hui être plus largement (re)connus grâce à une meilleure compréhension scientifique, des relations multiples entre santé-sécurité-travail et de leurs conséquences à court, moyen et long terme sur les populations au travail et au-delà.

Catherine Delgoulet, professeure du Cnam, titualire de la chaire Ergonomie3 QUESTIONS À CATHERINE DELGOULET, PROFESSEUR DU CNAM, TITULAIRE DE LA CHAIRE D'ERGONOMIE

On voit que les enjeux sur la sécurité et la santé au travail sont multiples : quels sont les plus cruciaux à vos yeux ? Le changement climatique en fait-il partie ? De quelle façon l’appréhender ?

C’est une question difficile à laquelle je vais répondre en tant qu’ergonome menant des travaux de recherche-intervention au plus près des situations de travail et en concertation avec des acteurs de différents secteurs d’activité (industrie, transport, BTP, administration publique). Ces expériences m’amènent à identifier quatre enjeux : 1) démographique, avec une extension des âges au travail et un vieillissement de la population active ; 2) technologique, lié aux modalités d’usage des systèmes techniques et numériques, dont ceux à base d’IA ; 3) territorial, de mise en concurrence des systèmes de travail et de protection individuelle et collective des personnes ; 4) et bien sûr climatique, à l’origine d’une diversité de crises et d’effets rebonds multiples. Ces enjeux sont autant de défis pour la transformation ou la conception d’un travail soutenable, c’est-à-dire un travail capable de régénérer les ressources qu’il utilise (matières premières, systèmes techniques, forces de travail, compétences, etc.).

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Beaucoup de formations proposées par le Cnam autour de la sécurité et la santé au travail : un éventail (presque) exhaustif ?

Produire des connaissances ou agir dans ce domaine suppose d’être en capacité de croiser des approches en santé au travail et santé publique, épidémiologie, psychologie, sociologie, hygiène, sécurité et environnement de travail, ingénierie, économie, management, droit ou ergonomie. L’École de la santé fédère la plupart de ces expertises scientifiques et d’action, ce qui fait du Cnam un des acteurs majeurs en France de la formation tout au long de la vie et de la recherche en matière de prévention de la santé et de la sécurité au travail. L’offre de formation est à cette image, riche et complémentaire, pour former des techniciens ou des cadres (ingénieurs, masters ou docteurs) capables de travailler en pluridisciplinarité sur ces relations complexes santé-sécurité-travail et d’intervenir à différentes échelles sur la conception de process, de services ou d’organisations sûrs et soutenables, sur l’évaluation des conditions de travail et des risques associés, sur la transformation ou l’accompagnement des politiques publiques, des normes, des démarches en matière de prévention des risques professionnels (accidents du travail, maladies professionnelles, restrictions d’aptitudes ou d’inaptitudes, les troubles infra-pathologiques, etc.) et leur mise en œuvre.

Vous avez récemment été reçue à l’Assemblée nationale : quelle était la nature de votre intervention ?

En tant qu’ergonome, ma dernière audition à l’Assemblée nationale par la Commission de affaires sociales traitait de « la prise en compte de la pénibilité dans les régimes de retraite ». À cette occasion, j’ai pu rappeler que les travaux scientifiques en la matière soulignent qu’il n’y a pas une, mais des facettes de la pénibilité : 1) la pénibilité du travail, objectivable, soit l’exposition des personnes à un ou plusieurs facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé (cf. décret de 2011 fixant les dix facteurs) ; 2) la pénibilité au travail, vécue, du fait d’une santé fragilisée (dont la probabilité augmente avec l’âge) ou de conditions de travail ou d’organisation mal vécues qui incitent à quitter son travail. Aujourd’hui, la prévention de la pénibilité est essentiellement orientée vers les contraintes physiques extrêmes et passe par : la réparation des dommages causés par le travail (par ex. via une pension d’invalidité avant la retraite), la compensation des effets délétères de travail (par ex. via le compte personnel de prévention dans le secteur privé ou le statut de « catégories actives » dans les fonctions publiques), la substitution (par ex. en remplaçant de travail humain par des robots), ou encore l’augmentation humaine (par ex. avec l’usage d’exosquelettes ou d’assistances à base d’IA). Ces approches ont permis certaines avancées mais ont des limites (cf. les chiffres des accidents du travail et maladies professionnelles ou le taux de personnes ni en emploi ni en retraite pour raison de santé ou de handicap après 55 ans en France). Appréhender la santé et la sécurité au travail sous l’angle unique de la pénibilité, c’est considérer que le travail est inévitablement toxique. Pour une prévention durable de la santé et de la sécurité au travail, il convient de construire une autre approche du travail, celle d’un travail soutenable.