Projet CAP’VR

Jumeaux numériques en chimie : nouveaux modules et succès à l’international

25 juin 2024

Depuis deux ans au Cnam, faire une expérience critique en laboratoire de chimie, c’est possible… et sans risque ! Grâce aux modules de réalité virtuelle imaginés et développés par l’équipe pédagogique Chimie-santé-vivant. Ceux-ci s’enrichissent de nouveaux exercices, et l’ensemble est désormais exporté à l’international. État des lieux.

JNLes premiers modules immersifs livrés en 2022 concernent la sécurité au laboratoire. Constitués de plusieurs exercices, ils permettent des mises en situation afin d’acquérir les bons réflexes face aux différents risques que peuvent rencontrer les laborantins au sein d’une structure physique : coupures, inhalation de produits chimiques, projections. Avec un casque de réalité virtuelle, tout problème réel est ainsi évité.

Au cours des deux dernières années, de nouveaux modules ont été imaginés et créés ; ils seront utilisés dans les cours par l’équipe Chimie-santé-vivant dès la rentrée 2024. La première nouveauté concerne les risques au feu et les risques électriques. Comment réagir en cas d’incendie d’une substance inflammable et toxique ? Comment répondre à un défaut électrique qui surviendrait en cours d’expérience ? La seconde innovation est dédiée à la chromatographie sur colonne. Il s’agit ici de purifier un produit, une manipulation courante. Mais la séparation des différents constituants d’un mélange peut là aussi entraîner des risques, d’où ce nouvel exercice destiné à les minimiser au maximum, avec pour objectif de désinhiber les élèves.

D’autres modules viendront prochainement compléter cette gamme déjà riche, à travers des exercices plus complexes en génie des procédés pour la transformation physique, chimique ou biologique de la matière et de l'énergie, avec des expériences de fermentation via un bioréacteur agroalimentaire, enfin avec la HPLC (chromatographie liquide haute performance) pour séparer les composés d'un mélange chimique.

Succès à l’international

Plus d’une vingtaine d’institutions françaises, du lycée aux établissements d’enseignement supérieur, ont déjà acquis les licences de ces modules pour les exploiter dans leurs propres cours. CAP’VR est aussi utilisé à l’étranger, notamment en Corée du Sud et aux États-Unis. Et la seule modification à apporter concerne la langue !

Cette belle réussite rappelle que le Cnam est le leader français du jumeau numérique, grâce à des équipes pédagogiques innovantes et au savoir-faire de la direction nationale des usages du numérique. Trois ans d’inventivité, d’exploitation et de stratégie scénaristique !

3 QUESTIONS À MAITÉ SYLLA, PROFESSEURE DES UNIVERSITÉS, PORTEUSE ET RESPONSABLE PÉDAGOGIQUE DU PROJET CAP’VR

Maité SyllaComment fonctionnez-vous pour créer des jumeaux numériques : de l’idée à la création, quelles sont les étapes ?

Dans le projet CAP'VR, la conception des jumeaux numériques suit un processus en plusieurs étapes, chacune étant le fruit d'un travail d'équipe et d'une intelligence collective entre les différents experts : enseignants-chercheurs et personnels administratifs, développeurs et ingénieurs pour l’enseignement digital de la direction nationale des usages du numérique (DN1) du Cnam. Notre méthode de travail est basée sur des objectifs et des livrables définis. Une fois les besoins identifiés en matière de contenu pédagogique et de compétences à transmettre à nos élèves, nous définissons plus précisément les objectifs et les fonctionnalités du jumeau numérique à développer. Un document de spécification contenant les scénarios est rédigé.

Nos experts en modélisation 3D créent ensuite un modèle numérique précis de l'environnement ou de l'équipement concerné, en veillant à ce qu'il soit aussi réaliste que possible pour offrir une expérience immersive aux élèves et compléter les travaux pratiques réels. Lorsque le jumeau numérique est suffisamment avancé, nous effectuons des tests pour nous assurer de son bon fonctionnement et corriger d'éventuelles erreurs. Nous profitons également de cette étape pour recueillir les commentaires d’autres professionnels du domaine afin d'apporter des améliorations si nécessaire.

Une fois le jumeau numérique validé, nous le déployons auprès des utilisateurs dans le cadre des travaux pratiques concernés. La DN1 assure ensuite des mises à jour régulières pour garantir son bon fonctionnement. Enfin, nous travaillons avec des ergonomes pour étudier l'impact des jumeaux numériques sur notre enseignement et sur les compétences de nos élèves, en menant cette réflexion en parallèle du déploiement des différents modules.

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Parlez-nous des nouveaux modules de réalité virtuelle attendus pour la rentrée 2024 ?

Pour la rentrée 2024, deux nouveaux modules sont prévus dans le domaine du génie des procédés. Le premier est un jumeau numérique d'un extracteur liquide-liquide à contre-courant à plusieurs étages, utilisé dans le cadre des travaux pratiques (TP) de l'unité d’enseignement Opérations unitaires fondamentales (CGP111). L'objectif est de proposer des expérimentations immersives aux élèves pour les familiariser avec certaines séquences délicates lors des séances réelles de TP, telles que le démarrage de l'installation, le réglage du niveau de l'interface avec la garde hydraulique ou la vidange de la colonne.

Le deuxième module est le jumeau digital d'un fermenteur instrumenté (bioréacteur) conforme aux normes industrielles, utilisé dans le cadre des travaux pratiques de l'UE Génie des bioprocédés (BCA238). Il permettra aux élèves de simuler un grand nombre d'expériences et d'étudier les effets de différents paramètres du procédé (transfert d'oxygène, régulation du pH ou de la température) sur les performances de la fermentation (rendement de production de cellules, conversion des substrats, productivité en métabolites d'intérêt).

Grâce à ces deux nouveaux modules, nous intégrons pour la première fois des données réelles provenant de différentes sources pour simuler le comportement de l'équipement immersif. Les élèves ayant choisi des paramètres de procédés différents pourront comparer les résultats obtenus dans l'environnement immersif et les exploiter collectivement lors des travaux pratiques réels. De plus, plusieurs conditions opératoires qui ne sont pas envisageables dans les durées réelles allouées aux TP pourront être simulées grâce à ces jumeaux numériques.

Jusqu’où comptez-vous aller dans le développement de ces modules, sachant que d’autres sont déjà en préparation ?

Notre ambition pour le projet CAP'VR est de continuer à innover et à repousser les limites de la réalité virtuelle pour répondre aux besoins évolutifs des professionnels dans les secteurs de la chimie, de l'agroalimentaire et de la pharmacie.

Pour l'année 2024-2025, nous prévoyons le déploiement d'un module sur la chromatographie liquide haute performance (HPLC), actuellement en développement. Celui-ci viendra compléter notre offre de formations immersives sur les méthodes d’analyse et de purification, comprenant déjà la chromatographie sur couche mince et sur colonne ouverte. Nous souhaitons également renforcer le suivi des élèves et proposer des parcours personnalisés, grâce à l'utilisation de la plateforme Analytics Vulcan (Mimbus), qui sera connectée à Moodle. Cela nous permettra de mieux répondre aux besoins de chaque apprenant et de lui offrir une expérience de formation plus adaptée et plus efficace.

Forts de notre expérience et de notre savoir-faire acquis depuis 2020 dans le développement de modules immersifs et leurs usages pédagogiques, nous mettons en place à la rentrée prochaine une micro-certification intitulée « Intégrer les pratiques immersives XR dans sa pédagogie », destinée aux formateurs de différents niveaux, du collège à l'enseignement supérieur.

En fin de compte, notre objectif est de faire de CAP'VR une référence mondiale en matière de formation immersive dans les domaines de la chimie, de l'agroalimentaire et de la pharmacie, en proposant des solutions pédagogiques innovantes et efficientes pour accompagner les professionnels à relever les défis en termes de sécurité et/ou techniques en laboratoire auxquels ils sont confrontés dans leur travail quotidien.