World Nuclear Exhibition 2021

Le Cnam en pointe sur la thématique du nucléaire

Nucléaire au Cnam

30 novembre 2021
2 décembre 2021

Le salon WNE, pour « World Nuclear Exhibition », se tient du 30 novembre au 2 décembre à Villepinte. Le Cnam participe à cet événement sur le stand de l’Institut international de l’énergie nucléaire, dont l’établissement est membre depuis sa création en 2011. À cette occasion, six apprentis de la filière d’ingénieur Génie nucléaire du Cnam présentent leurs travaux pratiques de mesures nucléaires en réalité virtuelle.

La question du nucléaire, hautement sensible, a récemment refait surface sur le devant de la scène. Le président de la République, Emmanuel Macron, a en effet annoncé la construction de nouveaux réacteurs EPR (réacteur pressurisé européen) dans les années à venir, afin de préserver l’indépendance énergétique de la France.

L’implication du Cnam dans la formation des acteurs du secteur nucléaire a toujours été très importante, en particulier avec les formations d’ingénieur. Il s’agit de professionnaliser des personnes motivées et convaincues de leur utilité dans l’industrie nucléaire de demain, et qui entendent apporter leur pierre à l’édifice selon les codes et principes de leur spécialisation.

Emmanuelle GalichetPour commenter l’actualité liée au nucléaire, le salon WNE et la relance du programme nucléaire civil français, nous vous proposons un entretien avec Emmanuelle Galichet, maître de conférences au Cnam, responsable des formations en sciences et technologies nucléaires, et en particulier du diplôme d’ingénieur en apprentissage spécialité Génie nucléaire (en convention avec l’école d’ingénieur du CESI et l’Institut national des sciences et techniques nucléaires, en partenariat avec l’Institut des techniques d'ingénieur de l'industrie Île-de-France).

Pour commencer, pourriez-vous nous éclairer davantage sur la thématique du nucléaire, dont tout le monde parle mais que peu de gens, en réalité, connaissent?

Pour faire simple, la filière nucléaire a en charge la production d’électricité. Elle possède une importance économique incontournable en France et dans les pays qui ont choisi ce mode de production. Le parc nucléaire mondial compte 450 réacteurs en fonctionnement (2018), ce qui correspond à peu près à 10% de la production électrique mondiale. En France, la part de l’électricité d’origine nucléaire dans la production totale d’électricité est aujourd’hui d’environ 70%. Il est important de souligner, avant tout, que la technologie nucléaire de production d’électricité est indispensable dans le mix énergétique mondial, car c’est une énergie décarbonée.

Il faut tout de même préciser ici que le nucléaire, ce n’est pas seulement la production d’électricité, d’armes ou de déchets nucléaires. Les applications industrielles de la physique nucléaire, et plus particulièrement de la radioactivité, sont bien plus larges. Les résultats de la recherche menée depuis le début du siècle dernier sont utilisés dans de nombreux domaines : médical (radiothérapie) et environnemental (datation), pour ne citer que ces deux exemples.

Pourquoi, selon le vous, le nucléaire est critiqué par certains, alors même qu'il s'agit d'une industrie de pointe et que nous en sommes les pionniers? La question environnementale est-elle au cœur des incompréhensions?

La question environnementale est fondamentale pour expliquer les incompréhensions ou les craintes des citoyens. Les questionnements sur les déchets nucléaires et la peur des accidents sont incontournables, et il faut y répondre. Les stratégies industrielles ou les choix politiques peuvent également avoir leur rôle. Par exemple, le choix de l’Allemagne de sortir du nucléaire ou le manque de transparence sur le sujet est souvent responsable de la défiance, ou plus précisément de l’incompréhension. Il y aussi la désindustrialisation réelle des territoires. Selon l’Insee, 30% des emplois industriels ont été perdus entre 1989 et 2017. C’est colossal… et cela déshabitue les gens aux questions liées à l’industrie dans son ensemble, donc au nucléaire. Enfin, il y a l’aspect financier. Un rapport de Jean-Martin Folz, ancien PDG du groupe PSA, soulève le problème de la perte des compétences, et donc des problématiques fortes dans l’ensemble des projets nucléaires tels que la construction de l’EPR de Flamanville. Résultat, on entend : « Le nucléaire, ça coute cher car ils ne savent plus construire ! » Oui, l’investissement initial est important, mais du fait du potentiel énergétique colossal du combustible nucléaire (c’est-à-dire de l’intensité de l’interaction nucléaire), la rentabilité de cette source est extrêmement importante. Juste pour donner un ordre de grandeur : 1 kilo de matière fissile fournit une énergie d’environ équivalente à la combustion de 2000 tonnes de pétrole.

Parlons un peu de ce qui se passe au Cnam. Quelles formations le Conservatoire offre-t-il dans la filière nucléaire? Répondent-elles à toutes les demandes de terrain?

La filière nucléaire a besoin de toutes les disciplines scientifiques et techniques. Cela représente plus de 100 métiers. Par conséquent, le Cnam, avec la pluridisciplinarité de ses formations, peut largement répondre aux besoins de la filière.

Nous pouvons citer les 3 formations suivantes, directement liées à la thématique :

Au Cnam, du fait de notre grande proximité avec l’industrie, nous avons la chance de pouvoir compter sur un grand nombre de professionnels de la filière nucléaire. Répondre aux besoins industriels est une mission fondamentale pour nous. Nous avons une procédure bien établie pour prospecter, étudier et traduire en contenus pédagogiques les besoins de terrain. C’est un travail nécessaire, important et long. Par exemple, nous réfléchissons en ce moment à construire des formations de génie civil en environnement nucléaire ainsi que des formations en informatique et numérique pour le nucléaire.

En matière pédagogique, votre équipe a innové à travers un programme de réalité virtuelle, dont le résultat sera d’ailleurs présenté au public du WNE par 6 apprentis ingénieurs. Pouvez-vous nous en dire plus?

Depuis la rentrée 2019, la filière Génie nucléaire du Cnam s’est dotée de moyens numériques permettant de faire évoluer ses enseignements et de créer plus simplement des mises en situation quasi réelles. En utilisant la réalité virtuelle, il devient possible de montrer aux apprenants des situations ou installations industrielles hors d’atteinte depuis les salles de classe. C’est ainsi que les apprentis de la formation d’ingénieur Génie nucléaire en apprentissage ont pour la première fois pu découvrir le cœur d’un réacteur de type EPR lors d’un cours de physique nucléaire. Grâce aux casques de réalité virtuelle et à une maquette numérique réalisée par la société Oreka Ingénierie, les apprentis ont pu se déplacer dans l’ensemble des parties inaccessibles du cœur du réacteur. Ils ont pu se rendre compte des dimensions et des caractéristiques techniques des systèmes étudiés lors de la présentation magistrale de l’enseignant. Nous avons également virtualisé l’ensemble des travaux pratiques de mesures nucléaires, soit 10 séances de TP. Le Cefipa, notre CFA partenaire, nous a accompagnés financièrement dans ce projet.

Enfin, l'expertise du Cnam n'est plus à prouver dans bien des domaines : qu'en est-il au sujet de la thématique nucléaire?

Au Cnam, tout d’abord, l’intérêt de notre expertise, c’est que nous sommes des enseignants-chercheurs qui nous intéressons à l’industrie ou à la société civile. Notre expertise est avant tout scientifique et, surtout, nous nous devons d’avoir une indépendance totale. Cela nous permet d’être capables de transférer rapidement dans nos enseignements les résultats de la recherche et surtout les méthodes de travail innovantes utilisées dans la recherche. Par exemple, il ne faut pas oublier que la filière nucléaire est bâtie sur des résultats de recherche fondamentale (la fission), qui ont d’ailleurs été récompensés par des prix Nobel (Marie Curie, Albert Einstein, etc.). On voit ici l’intérêt de conserver des liens très forts entre recherche fondamentale et industrie. C’est parfois oublié…

Une conclusion?

Oui. Le nucléaire est une industrie de pointe, où l’excellence et les exigences de sûreté sont très hautes, à tous les niveaux de qualification, du soudeur à l’ingénieur. L’avenir de la filière repose en grande partie sur sa capacité à former les spécialistes de demain, et le Cnam sera toujours présent au plus près des besoins industriels dans tous les territoires.